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Un virus venu de l'espace - La Recherche

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L’épidémie de la covid-19 ne battait pas encore son plein qu’un article était soumis à la célèbre revue médicale « The Lancet » [non publiée à ce jour, NDLR] avec une thèse plutôt particulière : ce coronavirus vient en fait... de l’espace ! (1) Aussi surprenante qu’elle puisse paraître, cette idée n’est pas neuve. Elle se raccroche aux thèses de panspermie nées au XIXe siècle sous les plumes des chimistes Jöns Jacob Berzelius et Svante Arrhénius, ainsi que du physicien Lord Kelvin. La vie serait née ailleurs et, via des météorites, se transmettrait de planète en planète, voire de système planétaire en système planétaire. Diverses expériences ont depuis montré que certains organismes peuvent effectivement survivre aux conditions spatiales, surtout s’ils sont bien protégés.

C’est dans ce contexte que les astronomes Fred Hoyle et Chandra Wickramasinghe proposent l’idée d’une vie exclusivement d’origine spatiale. À partir des années 1970, on montre que l’absorption du rayonnement ultraviolet par la poussière interstellaire peut s’expliquer par la présence de molécules organiques... mais pas n’importe lesquelles. Pour les deux comparses, il s’agit en fait d’organismes vivants, comme des bactéries ou des algues ! Selon eux, la vie naît dans les nuages interstellaires, protégée par les glaces. Les agrégats de glace – les comètes – tombent ensuite sur les planètes pour les ensemencer de vie. La contribution terrestre est « juste » de diversifier le produit de départ, passant d’organismes simples à des organismes vivants plus complexes tels les arbres ou les dauphins. 

Et bien sûr, pour les deux astronomes, l’ensemencement de matière interstellaire ne se limite pas aux premiers âges de la Terre, elle se poursuit, provoquant régulièrement des problèmes. Chandra Wickramasinghe, co-auteur de la publication récemment soumise à The Lancet, tente même des expériences de collecte atmosphérique à plusieurs dizaines de kilomètres d’altitude. Avec succès : les échantillons contiennent des bactéries... Mais leur provenance extraterrestre est loin de faire l’unanimité ! 

 

Au secours, il y a des microbes ici !

Dans ce contexte, plusieurs incidents ont retenu l’attention au fil du temps. Le premier s’est produit dans un petit observatoire anglais, dédié à Norman Lockyer et installé près de Sidmouth, sur la côte sud de l’Angleterre, en face de Cherbourg. Son directeur, Donald Barber, remarque durant l’été 1937 des photos endommagées : « quelque chose » semble avoir « mangé » la gélatine aux sels d’argent des plaques photographiques, créant de petits trous dans l’émulsion. On incrimine rapidement une bactérie aquatique. En effet, l’observatoire n’était alors pas raccordé à l’eau courante et on utilisait l’eau de pluie, y compris pour les développements photographiques. En 1938, on décide donc de puiser l’eau dans une source. Le phénomène se reproduit cependant chaque année, jusqu’en 1940, mais avec moins de force. Hélas, une nouvelle attaque bactérienne de grande ampleur se produit en 1948 et on décide alors de désinfecter l’eau de source, ce qui résout le problème des photos. Néanmoins, intrigué, Donald Barber veut identifier les bactéries et il fait analyser des échantillons d’eau. Quatre autres invasions sont alors détectées, en 1956-1957, en 1958, en 1959, et en 1961. En parcourant les archives, Donald Barber trouve aussi la trace d’incidents plus anciens, en 1930 et 1932.

La bactérie est finalement identifiée : bacilleus fluorescens liquefaciens. A priori peu surprenant : il en existe une variété locale qui est bien capable d’attaquer la gélatine. Cependant, l’envahisseur se révèle être une version anormale, plus agressive. D’où peut-elle venir ? Barber analyse consciencieusement les dates des attaques et découvre une chose étrange... Un certain laps de temps avant chaque incident (entre 35 et 67 jours), il s'est produit une tempête solaire et, en plus, Vénus était en conjonction inférieure (ou presque) avec la Terre – donc au plus près de la Terre. L’astronome britannique en conclut que ses bactéries correspondent à une souche vénusienne.  Arrachées à l’atmosphère – où elles vivent – par le vent solaire, ces voisines sont tombées sur Terre dans les zones polaires, le vent du Nord les apportant ensuite vers Sidmouth où la pluie les fait atterrir... Chose étrange : l’envahisseur vénusien n’est repéré qu’à Sidmouth – c’est ce qu’on appelle une frappe chirurgicale ! Autre point intéressant : la bactérie est vraiment très similaire à la version locale... Dès lors, le rasoir d’Ockham favorise plus l’hypothèse d’une mutation terrestre qu’une attaque vénusienne.

Malgré tout, l’idée fait son chemin et la théorie de Barber est analysée. En particulier,  pour savoir si les vents solaires pourraient transporter ces bactéries. Certains, à grand renfort de statistiques, annoncent avoir découvert un lien entre pandémies de grippe et périodes d’activité solaire – quoiqu’il semble falloir bien choisir les dates pour trouver le lien... Quant au scénario vénusien, il nécessite un alignement parfait (et non une simple conjonction) pour que l’éjection atmosphérique ensemencée touche la Terre. Or les dates de ces événements sont bien connues : pour les trois derniers siècles, il s’agit de 1761 et 1769, 1874 et 1882, 2004 et 2012 – pas de trace de 1918 (pandémie de grippe espagnole) par exemple, ni des « attaques » anglaises, répertoriées par Donald Barber. De manière générale, d’ailleurs, pas de lien avec les pandémies, quelles qu’elles soient... L’attaque vénusienne sur le monde a donc été écartée.

 

Nouvel essai...

Un deuxième incident concerne la pluie rouge, en particulier celle qui est tombée dans le sud de l’état indien du Kerala, à la fin de l’été 2001, précédée par un bruit semblable à un fort coup de tonnerre et un éclair. Il n’en faut pas plus pour qu’un hypothétique météore soit pointé du doigt par deux physiciens, Godfrey Louis et Santhosh Kumar. Un météore plein de cellules extraterrestres rouges finalement dispersées par le vent et la pluie. Indice en faveur de cette thèse : l’absence d’ADN dans ces cellules, quoique le test pour le prouver fut sommaire... Une enquête détaillée du National Center for Earth Sciences Studies, trouve finalement de l’ADN dans ces cellules rouges en suspension dans la pluie : les chercheurs identifient alors une algue rouge appelée Trentepohlia. La répétition de cette pluie particulière durant plusieurs mois (donc bien longtemps après le « bruit ») et son occurrence de temps à autre dans la région viennent apporter des arguments supplémentaires en faveur d’une origine terrestre « normale » et non d’un impact extraterrestre « unique ». Mais cela n’arrête pas les spéculations, surtout quand on rapporte que les cellules se reproduisent à haute température (100 à 300°C). Chandra Wickramasinghe et ses collaborateurs ont même relié le spectre de la nébuleuse du rectangle rouge, une proto-nébuleuse planétaire située à 2300 années-lumière de la Terre, à celui des cellules de la pluie rouge (autrement dit, ils pensent que si la nébuleuse est rouge, c’est pour la même raison que la pluie…). Le savant cingalo-britannique poursuit dans la même veine avec la découverte possible de cellules rouges dans la météorite de Polonnaruwa, tombée au Sri Lanka en décembre 2012, peu avant une pluie rouge... Sauf que la nature météoritique de la pierre est fort discutable – il s’agirait en fait de silice amorphe appelée « fulgurite », bien terrestre. 

Enfin, puisqu’on avait déjà examiné le « lien » entre grippe et activité solaire, il n’a pas fallu longtemps avant que certains regardent d’un autre œil les coronavirus... Cela a commencé avec le SARS : en 2003, Chandra Wickramasinghe et ses collaborateurs lancent la charge dans « The Lancet ». Le virus est apparu si soudainement qu’il ne pouvait qu’être tombé du ciel. Il végèterait donc dans la stratosphère, et tomberait sporadiquement sur Terre, provoquant des épidémies localisées. Rebelote en 2019-2020 avec le Covid-19 et son arrivée soudaine dans la province de Wuhan... Mieux encore, selon l’équipe de Wickramasinghe, le bombardement est ici identifié car une étoile filante très brillante a été rapportée dans le nord-est de la Chine le 11 octobre 2019. Le tout est renforcé par la présence d’un minima solaire, propice aux arrivées extraterrestres – en fait, l’affaiblissement du champ magnétique interplanétaire facilite l’arrivée des rayons cosmiques, mais bien sûr, selon ces auteurs, ceux-ci s’accompagnent de matière vivante en goguette...

Les autres scientifiques pointent la similarité de ces diverses bactéries et virus prétendument spatiaux avec la vie terrestre. Là encore, le rasoir d’Ockham tranche en faveur d’une origine locale. Toutefois, les tenants d’une panspermie pandémique assurent désormais que cette similarité est normale, puisque toute la vie dans l’Univers, donc aussi celle sur Terre, a la même origine. Ne paniquons quand même pas : cette théorie reste bien minoritaire, et les preuves avancées sont souvent discutables ou peu probantes... L’idée a néanmoins permis d’enrichir la culture littéraire d’un roman de fiction intéressant : La variété Andromède,  de Michaël Crichton... Hors du champ de la fiction, aux dernières nouvelles, on attend encore la preuve d’un envahisseur extraterrestre. Et il ne serait pas étonnant que, ces jours-ci, les médecins aient envie de dire aux astronomes de se mêler de ce qui les regarde...

Yaël Nazé, FNRS-ULiège

E.J. Steele et al., Comment on the origin of the 2019 Novel Coronavirus, 2020 (soumis au Lancet)




July 17, 2020 at 09:17PM
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